Avis #52 : Midi - Cloé Korman

Cinquième lecture dans le cadre du Prix du Meilleur Roman des lecteurs de Points 2020 : Midi de Cloé Korman.

Reçu en même temps que L'été des charogne de Simon Johannin dont je vous parle prochainement, ce roman s'est révélé être une jolie surprise. D'abord sur le plan visuel puisque c'est à la réception de ces deux livres que j'ai découvert la nouvelle charte graphique de Points (je sais que tout le monde n'accroche pas, mais personnellement j'adore !). Sur le plan littéraire ensuite puisque je suis forcé d'avouer que, des deux livres reçus ensemble, c'est celui qui me tentait le moins.

J'aimais beaucoup le titre mais l'intrigue ne m'inspirait que moyennement : Claire est médecine dans un hôpital parisien. Quand Dominique est admis dans son service et demande à lui parler, les souvenirs de l'été 2000 remontent. Dom était alors à la tête d'un petit théâtre marseillais dans lequel était organisé chaque année un stage de théâtre à destination d'enfants. Claire, alors âgée de 18 ans, et son amie Manu sont descendues dans le Midi pour animer ce stage avec Dom. Un job étudiant relativement sympa au cours duquel les trois jeunes adultes vont monter avec les enfants une représentation de La Tempête de Shakespeare. Alors que les relations amoureuses se nouent et se dénouent au sein de l'équipe d'animation, un drame se profile côté coulisses, autour de la petite Joséphine.

Si l'histoire racontée n'a pas réellement suscité ma curiosité avant d'ouvrir le livre, elle ne m'a ps rebuté non plus. Je suis donc entré sans attentes particulière dans le récit, prudent suite à la lassitude que m'avait inspiré Désintégration d'Emmanuelle Richard. Et très vite, j'ai été séduit. Il y a quelque chose dans la langue de Cloé Korman qui m'a ravi : une simplicité de ton, où l'économie des mots n'empêche pas la poésie de s'installer, les images de naître.

Je ne suis pas un lecteur qui se crée facilement une image mentale  des scènes décrites dans un roman. J'ai l'impression que, souvent, je serais même incapable de décrire comment j'imagine tel ou tel personnage. Dans Midi, par contre, les images mentales se sont imposées à moi. En parcourant les caractères d'imprimerie qui composent ce texte, je n'y ai pas vu des lettres ou des mots : j'ai lu les phrases et j'ai tout vu. J'étais dans la cour du petit théâtre, j'ai senti la chaleur de l'été marseillais, j'ai goûte au désir naissant de Claire pour Dom. J'ai entendu les rires, parfois cruels, de la vingtaine d'enfants participant au stage. J'ai partagé leurs joies, leurs peines, j'ai participé à leurs répétitions. J'ai vu Dominique dans son lit d'hôpital, vu la vie le quitter, la maladie comme punition qu'il accueillait et s'infligeait avec un certain soulagement. J'ai voulu détourner le regard face aux hématomes de Joséphine, j'ai tremblé à l'idée qu'il pourrait lui arriver quelque chose.

Il y a une tension dans le récit qui m'a happé. Peu importe que j'aie lu cette histoire dans le train, dans mon salon ou sous le réverbère de mon arrêt de bus : je n'ai pas entendu les conversations des autres voyageur·euses, ni les bruits de mes radiateurs et ce n'est pas le vent qui me soufflait dessus qui aurait pu m'empêcher de ressentir la chaleur du soleil de Marseille.

Je ne veux pas trop vous en dire sur ce roman, je pense qu'il gagne à être découvert et apprécié au fur et à mesure. Il n'y a pourtant pas grand chose d'original, ni chez les personnages, ni dans l'histoire racontée. Mais il y a une beauté littéraire indéniable dans ce texte. Une vraie belle découverte qui, jusqu'à maintenant, se dispute dans mon cœur de juré la première place avec Les enfants de cœur d'Heather O'Neill.

Commentaires

Articles les plus consultés