Mémoires effondrées - Baya


Bordel. C'est le premier mot que j'ai pu sortir de moi après avoir refermé le roman graphique de Baya, Mémoires effondrées. Il a fallu un petit temps avant que je puisse sortir de l'état de sidération dans lequel la lecture de cet album m'a laissé.

Antoine Donelli, le narrateur et personnage principal dont on découvre la vie à travers les carnets qu'il a remplis de ses pensées depuis la mort brutale de ses parents quand il avait dix ans, écrit en 2026 qu'il ne prend quasiment plus jamais de claques culturelles. Il a à ce moment-là quarante-six, j'en ai vingt-neuf en 2022 et je viens de me prendre une violente claque.

Antoine Donelli naît en 1980 et meurt en 2044. Entre temps il vit, dans un monde qu'il peine à comprendre, qui le révolte, qu'il voudrait changer. de sa vie, de ses pensées, nous recevons des fragments, livrés dans un ordre qui ne cesse de faire des allers-retours entre les décennies qu'il a traversées, ente les différentes personnes qu'il a été au fil du temps, se demandant si « en retrouvant les transitions floutées, on peut réussir à coudre entre eux tous ces morceaux de vie ». Et c'est ce que Baya parvient à faire, en faisant se répondre les anecdotes, les craintes, les doutes et les souvenirs.

Je me dois d'être honnête, le mot bordel, je ne me le suis pas dit qu'après ma lecture, mais bien souvent face aux pages qui s'étalaient sous mes yeux. Bordel, que c'est beau ! Bordel, que c'est fort ! Bordel, pourquoi j'ai envie de chialer ? Il faut me pardonner, j'ai tendance à être un peu vulgaire et à manquer de vocabulaire quand je suis bouleversé.

La claque a d'abord été visuelle. J'ai été impressionné par la qualité des illustrations, la diversité des techniques utilisées, et le mélange des styles. Il y a des planches que je pourrais regarder pendant des heures. Ces planches, il m'a fallu les toucher, comme par réflexe, pour les éprouver physiquement, en capter la force sous mes doigts.

Et puis il y a le propos, le fond terriblement profond qui a achevé de me retourner. C'est vertigineux, une vie. Encore plus quand elle s'inscrit dans un monde qui court à sa perte. D'un roman graphique épistolaire, on a l'impression de passer à un manifeste écologique ou anticapitaliste, à un essai philosophique, à une introspection. Faire tenir en quelques pages une vie, dans tout ce qu'elle a de complexe et de beau, de terrible et amusant, de pathétique et lumineux, c'est un tour de force. Antoine Donelli n'aura peut-être pas sauvé le monde, mais il a le pouvoir, c'est certain, de le changer pour certain·es d'entre nous.

Merci aux éditions Rue de l'échiquier de m'avoir envoyé cette incroyable bande dessinée via l'opération masse critique de Babelio.

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