Avis #8 : Sous la dictée - Liliane Guisset


Sous la dictée est à la fois ma dernière lecture de 2018 et la première de 2019 et je dois bien avouer que je ne sais pas si je m’en réjouis ou non. J’ai refermé ce livre avec un sentiment de perplexité que je ne qualifierais ni d’agréable, ni de désagréable. Bien que ma lecture ait été gênée par certains détails, j’ai tout de même l’impression d’y avoir pris du plaisir, tout en sachant qu’elle ne me laisserait pas un souvenir impérissable. Enfin, puis-je en être si sûr ?

À vrai dire, ça commence plutôt bien. « On avait fait les présentations à l’envers. Le sexe pour commencer et les mots pour finir. » Un incipit plus que prometteur à mes yeux pour un roman écrit par une compatriote liégeoise : une lecture 100% locale qui me donne envie d’y croire. « On », c’est Alexandre, le narrateur et Serge Elianov, écrivain bruxellois ayant fait une entrée fracassante en littérature à l’âge de vingt ans, en 1969, et n’ayant a priori plus écrit depuis. Ils se rencontrent à la fin des années 1980, Alexandre à vingt ans et vient tout juste de découvrir le roman qui a fait connaître Serge, alors qu’il cherchait un livre de son auteure fétiche, Gabrielle Blackhope. Les deux hommes entament alors une relation qui se cristallise autour de l’admiration que le plus jeune voue au plus âgé et au cours de laquelle Alexandre deviendra le prête-plume d’Elianov qui prête lui-même sa propre plume à des ersatz de célébrités désireuses de rédiger leurs mémoires. L’histoire de Sous la dictée ne manque pas d’intérêt puisqu’elle permet d’aborder la figure de l’écrivain par le biais d’une mise en abyme assez originale.

Par ailleurs, l’autrice a également su marquer son originalité par un style riche en paradoxes ; pompeux sans paraître totalement désuet, surfait tout en gardant un trait naturel, ostentatoire sans être clinquant. De réelles qualités qui ont eu malheureusement tendance à s’annuler à mes yeux tandis que je découvrais le récit. J’ai trouvé dans l’écriture de Liliane Guisset une forme de surabondance qui, si elle ne m’a pas freiné dans ma lecture, m’a parfois fait frôler l’écœurement. Pourtant, elle l’écrit elle-même quand son narrateur s’exprime sur la santé vacillante de son amant : « Il y avait des signes mais leur surabondance me rendait incapable d’en décrypter un seul. » C’est exactement pareil pour ce roman. Liliane Guisset a le sens de la formule, ça se ressent dans son incipit et à de nombreuses reprises dans le reste du texte, notamment quand Gabrielle Blackhope s’ouvre sur son passé à Alexandre : « Je l’ai regardé droit dans les yeux et je lui ai dit – "et maintenant, café ou foutre ?" ». Toutefois, je pense que la romancière est consciente de sa faculté de jouer avec la langue française et qu’elle use et abuse de son talent. Et c’est précisément ce qui m’a bloqué au fur et à mesure que j’avançais dans le texte et qui m’apparaît aujourd’hui, alors que je m’y replonge après avoir dormi dessus pour écrire cet article, comme la force et la singularité du roman.

J’ai donc pensé dans un premier temps que j’oublierais Sous la dictée aussi vite que je l’ai lu. Mais, plus le temps passe et plus j’y repense, plus je confère de valeur à ce roman qui, comme le vin, s’apprécie sans doute mieux après avoir décanté.

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