Avis #9 : Je suis qui je suis - Catherine Grive

On ne va pas se mentir, les introductions et les conclusions ne sont pas mon point fort quand il s’agit de rédiger mes avis pour le blog. Et ce soir, alors que j’entame la rédaction de mon article sur le roman pour adolescents Je suis qui je suis de Catherine Grive, paru chez Rouergue, je manque tellement d’inspiration que j’ai décidé de détourner votre attention de l’absence d’une introduction digne de ce nom. Maintenant que c’est fait, je peux vous parler du livre.

Je suis qui je suis est un roman court et pourtant, en moins de 130 pages, Catherine Grive aborde des sujets dont il n’est pas toujours évident de parler avec de jeunes adolescents.

L’autrice nous partage le récit de Raph’ qui passe ses vacances à Paris parce que sa mère s’apprête à donner naissance à son futur petit frère ou sa petite sœur. Depuis quelque temps, Raph’ ressent un chagrin qui lui est difficile de nommer et de comprendre, un chagrin dont la cause lui semble impossible à déterminer mais qui prend de plus en plus d’espace. Vous l’aurez sans doute compris, l’un des sujets de ce roman est la dépression. Et, bien que Catherine Grive en parle avec délicatesse et sans la nommer, elle le fait sans faux-semblant. En témoigne le début du onzième chapitre : « Avoir un chagrin, c’est quoi ? C’est faire semblant de sourire sans en avoir envie. C’est ne pas vouloir rester seul et ne pas vouloir être avec les autres. C’est manger son truc préféré et ne lui trouver aucun goût. C’est apprendre à la radio que l’on passe vingt-quatre ans de sa vie dans son lit et trouver que c’est une bonne nouvelle. C’est ne pas écouter ou mal, comprendre après tout le monde. (…) C’est vouloir dire quelque chose sans savoir ni quoi, ni à qui. » Pour tenter d’échapper à son chagrin si spécial, ainsi qu’au rangement de sa chambre et au tri de ses affaires que ses parents lui ont imposé, Raph’ s’évade dans la contemplation des travaux occasionnés par la construction d’un immeuble en face de l’appartement de sa famille, passe du temps avec son ami Bastien, puis avec Sarah, la cousine de celui-ci, et vole le courrier de ses voisins.

Il est également question dans ce roman, comme le titre le laisse entendre, de la découverte de soi, du questionnement de sa propre identité, et en particulier de son identité de genre. Pendant le premier tiers du roman, Catherine Grive, à travers la narration à la première personne qu’elle confie à Raph’, ne laisse filtrer aucun indice sur le genre de Raph’. Rien que pour ce détail, je trouve que l’autrice a particulièrement bien réussi son récit : après avoir passé un paragraphe et demi à essayer de ne pas genrer Raph’ dans mon texte, je me rends compte de la difficulté de l’exercice. Une fois le genre de Raph’ (en tout cas celui qui lui a été assigné à la naissance), la thématique continue d’être abordée et, comme pour le thème de la dépression, c’est avec une belle sensibilité que Catherine Grive le fait en ouvrant au passage la possibilité de n’être ni tout à fait garçon, ni tout à fait fille mais peut-être un  peu  des deux en même temps, voire rien de tout ça. L’autrice offre aux adolescents l'occasion d’appréhender, bien qu’elle ne la nomme pas, l’identité dans une perspective qui sort de la binarité "filles/garçons". Alors que Raph’ observe des filles se faire siffler par des garçons lors d’une balade dans Paris, Grive lui fait dire : « Je ne faisais partie d’aucun de ces camps. (…) Je ne me reconnaissais chez personne. Ou plutôt, je me reconnaissais chez tout le monde. » Je trouve assez important de proposer ce genre de représentation aux adolescent.e.s, pour que celleux qui se sentent un peu comme Raph' puissent faire face à leurs propres questionnements avec plus de sérénité.

Le seul point qui m’ait légèrement gêné est que, en fin de roman, l’autrice a décidé de lier le questionnement de Raph’ sur son identité de genre à son chagrin, en y intégrant un élément extérieur qui serait à la fois la cause du questionnement, et du chagrin. Je trouve ça relativement dommage dans la mesure où ça renforce, de mon point de vue, l’idée que le genre dépend en partie de l’environnement dans lequel l’enfant évolue et/ou de son éducation. Ce petit bémol mis à part, j’ai beaucoup apprécié la lecture de ce court roman que j’ai trouvé particulièrement riche.

Au moment de conclure mon article, je vous renvoie à mon introduction pour comprendre comment tout ça va finir.

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