Avis #27 : L'inventaire des jours - Luca Tortolini et Daniela Tieni

Ceux qui me lisent depuis un moment le savent sans doute : j'aime beaucoup la littérature jeunesse. Assez paradoxalement, je ne parle jamais d'albums sur le blog, alors que c'est sans doute le format que je préfère dans le paysage littéraire destiné à la jeunesse. Une des raisons pour lesquelles je ne rédige jamais d'avis sur les albums vient du fait qu'il me parait difficile de parler de ces livres ou le rapport texte/image est très important et pour lesquels j'ai l'impression de ne pas pouvoir sortir d'un jugement de valeur binaire de type j'aime/j'aime pas.

Quand Babelio a lancé sa masse critique spéciale littérature jeunesse, j'y ai vu l'occasion de sortir de ma zone de confort. J'ai donc sélectionné une (très) longue liste de titres dans ce que les éditeurs proposaient et j'ai croisé très fort les doigts dans l'espoir d'en gagner un. Ma joie fut grande de découvrir un courriel me disant que j'allais recevoir L'inventaire des jours des Italien·ne·s Luca Tortolini et Daniela Tieni grâce aux éditions Passepartout. Le titre et la couverture de cet album m'avaient tapé dans l’œil et j'étais impatient de découvrir comment il allait se présenter (je ne me suis pas renseigné outre-mesure sur les titres pour lesquels je participais, sélectionnant les livres en fonction des couvertures, des auteurs et des titres uniquement). 

Ma première impression en ouvrant le livre s'est révélée plus que bonne : les illustrations sont magnifiques, proposant un rendu à mi-chemin entre le dessin et le collage, avec une dose d'étrange venant flatter mon œil d'adulte. 

J'ai ensuite lu l'album d'une traite pour en découvrir le texte sans trop m'attarder sur les images et je suis resté dubitatif. Comme son titre l'indique, Luca Tortolini et Daniela Tieni dressent un inventaire des jours, et ce à travers les émotions qu'ils peuvent nous traverser. En lisant le texte, j'ai senti sa force poétique, mais je l'ai trouvé très pessimiste et ça m'a quelque peu déconcerté. J'étais également décontenancé par le fait que je n'ai pas directement saisi à quel public il se destinait. J'avoue (honteusement) que, malgré le fait que je travaille en bibliothèque, j'ai tendance à associer l'album à l'enfance. Pourtant, je suis un grand admirateur des albums pour adultes, notamment ceux d'Aurélie William-Levaux. Toujours est-il que j'ai instinctivement pensé que L'inventaire des jours était destiné à des enfants entre 10 et 12 ans (confusion entretenue par le fait que la base de données professionnelle Electre l'a référencé pour les 8 ans et plus) et que j'avais du mal à imaginer ce public s'identifier complètement aux jours qui leur sont présenté.

C'est en relisant le texte que je me suis peu à peu rendu compte qu'il était en réalité écrit pour un public plus mature et j'en ai eu la confirmation en visitant le site de l'éditeur puisqu'ils le conseillent dès 15 ans. Il s'agit donc d'un album pour (grands) adolescents et (jeunes) adultes. Une fois cette information intégrée, tout à fait sens. Plusieurs lectures à voix haute, l’œil scrutant les images pour en découvrir toute la profondeur, ont achevé de me convaincre de la beauté de cette oeuvre. Il s'en dégage une poésie qui expose la vérité parfois cruelle de ce qu'on peut ressentir une fois qu'on approche et puis qu'on entre dans l'âge adulte : « Il y a des jours où tu es en train de faire quelque chose... Mais, en vérité, ce que tu voudrais, c'est faire autre chose. » ; « Il y a des jours absurdes. Où tu te trompes et tu penses que c'est grave. (...) Tu oublies juste que le plus grand obstacle c'est toi et tu ne cesses de croire à ce truc idiot de la perfection »...

C'est donc une belle rencontre que j'ai faite avec ce livre, bien que je continue à trouver l'ensemble un peu sombre. Malgré une dernière planche plus douce, dans laquelle passe un soupçon d'espoir à travers la mise en valeur de l'amour (de soi), cet inventaire passe un peu trop sous silence les jours lumineux qui, combinés à ceux où le doute nous assaille, font la beauté de la vie.

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