Avis #41 : Quand les petites filles s'appelaient Sarah - Remo Forlani

Premier livre lu dans le cadre de la tournante littéraire organisée par mon amie Pauline (dont ce livre est justement le choix), Quand les petites filles s'appelaient Sarah de Remo Forlani est l'exemple même de la raison d'être de la tournante. Je ne serais peut-être jamais tombé sur ce roman et, si ça avait été le cas, je ne me serais sans doute pas attardé dessus. Par conséquent, sans cette occasion, je ne l'aurais sans doute jamais lu. Si je ne peux pas parler de coup de coeur absolu, je suis tout de même content d'avoir pu découvrir la plume de cet auteur que je ne connaissais absolument pas et j'ai passé un bon moment à découvrir les déboires de Vito Farfali.

Parlons brièvement de l'histoire de ce roman. Vito Farfali, photographe réputé d'une cinquantaine d'années, achète un vieux bâtiment dans le quartier de la Bastille — celui de son enfancepour en faire le loft et le studio dont il rêvait depuis des années. Sa compagne Suzanne semble ne pas approuver ce choix et Vito se retrouve à vivre seul dans le loft en travaux. Très peu de temps après cet achat, Farfali découvre, par l'intermédiaire d'un marabout qui squatte sa cave, que l'immeuble qu'il vient d'acheter est sur le point d'être détruit. On est en 1987 et la construction de l'opéra Bastille, nécessitant l'expropriation de nombreuses familles du quartier, est sur le point de débuter.

Cette future destruction de son bien immobilier récemment acquis est le point de départ d'une série de contrariétés que nous, lecteur·rice·s, suivons avec jubilation. Car ce roman repose essentiellement sur l'écriture vivante et rythmée de son auteur qui sait donner vie aux habitants du quartier en passe d'être démoli : « Une voix flûtée objecte qu'aborder le problème sous cet angle, c'est déjà capituler. Quelqu'un crie bravo à la voix flûtée. Suivent un monologue sur les magouilles des politicards et des promoteurs exécuté avec maestria par un homme à tête de mahouilleur, l'intervention mollassonne d'un conciliateur, les coups de gueule d'un commerçant qui est de droite (en n'a pas à en rougir!), qui a déjà assisté à l'envahissement de sa rue par des étrangers dont l'étranger ne voulait plus (et on comprend pourquoi) et qui sait, qu'opéra ou pas, on finira tous par parler arabe si pas chinois. Un enseignant qui est de gauche (et qui, non content de n'en pas rougir, s'en fait gloire) enchaîne en parlant culture. Son laïus, il l'a préparé, il a des notes, des documents. Il cite Victor Hugo, Léon Blum, Karl Marx, Jacques Attali, Pablo Neruda, Brecht, Mitterand, Goethe... Pitié ! C'est pas parce qu'on est dans une école qu'on doit... Qu'il le ferme son claquemerde et que parlent ceux qui peuvent nous sortir de ce désastre où nous voilà plongés ».

La galerie de personnages qui gravitent autour de Farfali est haute en couleur, ce qui ajoute encore plus de drôlerie à l'ensemble. Le marabout Ousmane Ali Dambélé, spécialisé dans les relations amoureuses ; ses deux épouses Clotilde Odile Marie Geneviève et Cyprienne Pauline Cécile Pentecôte ; la petite Djamila qu'il rencontre un soir après qu'une émeute a eu lieu lors d'une manifestation de protestation pour sauver le quartier ; Mathilde qui tenait une parfumerie dans le quartier... tou·te·s viennent ajouter leur grain de sel dans la vie de Farfali et se révèlent à un moment ou à un autre réellement attachant·e·s.

Deux petits bémols se sont cependant révélés au cours de ma lecture. Forlani (ou Farfali ?) semble (vraiment) apprécier les énumérations. Et visiblement, plus elles sont longues, mieux c'est ! Si cette figure de style donne du rythme au texte et lui confère son caractère vivant, cela m'a par moments lassé. Certaines parties m'ont semblé peu intéressantes, là où d'autres m'emballaient complètement. Il y a donc dans le texte un côté inégal qui fait qu'on peut parfois trouver le temps long. Deuxième reproche que je ferais au roman : le début et la fin sont pour moi incompréhensibles, on nous y parle d'une certaine Sarah (celle-là même qui donne son nom au livre), qu'on retrouve (ou pas) avant que le récit ne se termine et qui n'a aucune incidence sur le reste du livre. Cette introduction et cette conclusion m'ont paru se trouver là comme un chien au milieu du jeu de quilles, me laissant particulièrement perplexe.

Une chouette découverte donc, même si je dois reconnaître avoir préféré le livre que Pauline a proposé en second choix, et qui tourne comme lecture off-tournante : Cargo Vie de Pascal de Duve.

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