Avis #49 : Les enfants du fleuve - Lisa Wingate

Troisième de mes lectures dans le cadre de la tournante et dernier roman lu en 2019, Les enfants du fleuve de Lisa Wingate, paru aux éditions Pocket après une première publication chez Les Escales, est un roman inspiré par la vraie histoire de la Société des foyers d'accueil du Tenesse de Georgia Tann. Considérée comme la « mère de l'adoption moderne », Georgia Tann a en fait monté un vrai commerce basé sur le trafic d'enfants. Entre les années 1930 et 1950, de nombreux enfants ont été sournoisement arrachés à leur famille pour être placés dans des orphelinats au sein desquels les conditions de vie n'étaient pas toujours accueillantes. Les enfants étaient alors présentés comme des orphelins et proposés à l'adoption à des personnes riches. Si certains enfants ont réellement été sauvés par cette société, d'autres ont été contraints de quitter une famille aimante, contre leur volonté et celle de leurs parents. Par ailleurs, de nombreux enfants semblent avoir tout simplement disparus de la circulation.

Dans sa fiction, Lisa Wingate propose aux lecteur.rice.s de suivre parallèlement deux voies narratives différentes. Il y a d'abord celle d'Avery Stafford, avocate trentenaire qui est retournée vivre à Aiken en Caroline du Sud, sa ville d'origine, depuis que son père, le Sénateur Stafford, s'est vu diagnostiquer un cancer. Son retour est lié à la fois à sa volonté d'apporter son soutien à son père mais et à sa potentielle reprise de la carrière politique familiale, dans le cas où le cancer remporterait la bataille. Alors qu'elle est en visite dans une maison de repos où une pensionnaire fête son centième anniversaire, Avery est approchée par May Crandall, une dame âgée qui semble la confondre avec une certaine Fern. Troublée par cette rencontre et après avoir vu sur la table de chevet de May une photo d'une dame ressemblant étrangement à sa grand-mère, Avery décide de creuser l'histoire de sa famille afin d'en découvrir les éventuels secrets.

La seconde ligne narrative du récit est celle de May Crandall, du temps où, en 1939, elle s'appelait encore Rill Foss. Alors que Queenie et Briny, ses parents ont quitté le bateau à bord duquel la famille vit pour terminer l'accouchement compliqué de Queenie à l'hôpital de Memphis, Rill, alors âgée de douze ans, est chargée de surveiller ses trois sœurs et son frère : Camellia, Fern, Lark et Gabion. Les parents tardent à revenir et des policiers viennent ramasser les cinq enfants du fleuve pour les conduire auprès de Georgia Tann, qui les placera dans le foyer dirigé par Mme Murphy. Rill n'aura alors qu'une obsession : faire en sorte que les cinq enfants ne soient pas séparés.

C'est un roman très touchant que signe ici Lisa Wingate, même si je dois avouer que l'histoire de Rill me semble bien plus intéressante que celle d'Avery. L'alternance entre le récit du présent et celui du passé n'a rien d'original mais permet de créer un suspense qui ne donne qu'une envie : avancer dans la lecture. Cependant, l'enquête menée par Avery est selon moi gâchée par une romance particulièrement insipide qui n'apporte rien à l'histoire que nous raconte l'autrice. Et c'est vraiment dommage parce que la charge émotionnelle des mésaventures des enfants Foss est extrêmement plaisante et cette trame aurait été amplement suffisante pour créer un bon roman.

Cette différence d'intérêt entre les deux parties est également due à la construction psychologique des personnages. Rill, du haut de ses douze ans, affiche une belle maturité dans son désir de protéger sa famille. Elle n'en reste pas moins une enfant qui a elle-même besoin de la protection d'adultes aimants, besoin qui la conduira parfois à prendre les mauvaises décisions. Tout au long du récit, elle doit tenter de dépasser sa peur et chercher l'équilibre entre l'envie de retrouver sa liberté et la nécessité de se sécuriser ses cadet.te.s. Avery, de son côté, m'a semblé manqué de profondeur, ses propres dilemmes étant des poncifs du genre de la romance : faut-il vivre pour les autres ou pour soi ? Et pourtant, il y avait moyen de d'aller beaucoup plus loin en mettant réellement l'emphase sur les enjeux liés à la découverte d'un secret de famille pouvant mettre à mal la réputation d'une famille dotée d'une forte influence politique. La question est certes abordée, mais c'est selon moi resté trop superficiel, l'angle par lequel le problème est soulevé étant souvent assez futile.

Le roman n'en reste pas moins très agréable à lire, l'autrice étant parvenue à merveille à nous faire entrer en empathie avec les enfants Foss. On n'a qu'une envie, découvrir le fin mot de l'histoire, qui nous est révélée dans un happy end un poil trop sirupeux, mais qui fait toujours plaisir à lire !

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