Avis #62 : Première neige - Corbeyran et Byun Byung Jun


Lecture de circonstance pour le #MercrediGraphique d'hier, la bande dessinée Première neige, éditée chez Kana, est née de la rencontre du scénariste français Corbeyran et de l'auteur de manhwas sud-coréen Byun Byung Jun.

On découvre dans ce roman graphique, adapté d'une nouvelle éponyme de Maupassant d'après les informations trouvées sur Internet, une jeune femme qui se promène seule sur une plage et qui nous annonce directement qu'elle ne survivra pas jusqu'au printemps, nouvelle qu'elle semble avoir accueilli avec soulagement. Elle raconte alors, dans un long flash-back qui couvre la quasi-totalité du récit, sa rencontre avec Henry, son mari, alors qu'elle avait dix-neuf ans et qu'elle étudiait l'histoire de l'art à l'université, non par choix, mais parce que ses parents voulaient qu'elle étudie. Elle s'est alors installée sans résister, mais sans envie pour autant, dans une relation a priori confortable. On comprend rapidement que toutes les décisions importantes de sa vie ont été prises malgré elle, dans l'unique but de répondre aux attentes de son entourage. « Je me souviens très bien avoir dit "oui" au prêtre alors que j'aurais volontiers répondu "non". Mais c'est un "oui" qui est sorti. Je n'en connais toujours pas la raison. Ce "oui", je l'ai même accompagné d'un mouvement de tête, comme pour ne contrarier personne. » Après la lune de miel, le couple s'installe dans une maison qui servait jusqu'à présent de résidence secondaire pour la famille d'Henry. La narratrice s'y ennuie et y a froid, supportant difficilement un quotidien qui ne lui convient pas et délaissée par son mari dont le travail prend une place de plus en plus importante.

C'est un récit joliment intériorisé que signe Corbeyran, une plongée dans la mélancolie d'une jeune femme qui n'a jamais su trouver sa place. Elle a laissé mourir sa personnalité bien avant que son corps ne commence à suivre et les illustrations de Byun Byung Jun, dans un style qui m'a rappelé la peinture impressionniste, rendent compte de son état d'esprit à merveille : les paysages sont flous, les détails sont tantôt atténués, tantôt accentués selon l'importance qu'ils prennent dans l'esprit de la femme. Cette force du dessin se déploie particulièrement dans les scènes exemptes de texte, qui se chargent d'une émotion parfaitement maîtrisée.

Je remercie donc la neige tombée hier matin de m'avoir donné l'occasion de sortir cette bande dessinée de mes rayons.

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