Avis #68 : État de nature - Jean-Baptiste de Froment

Jusqu'ici, la sélection du Prix du Meilleur Roman des lecteurs de Points 2020 avait une particularité : celle de ne pas nous offrir de grands moments de franche rigolade. Amnésie, pauvreté, maltraitance physique et sexuelle d'enfants, addiction... on est loin du roman feel-good avec les neuf titres dont je vous ai parlé tout au long de cette première expérience en tant que juré pour un prix littéraire. Et puis arrive le dixième titre de la sélection : État de nature, premier roman de Jean-Baptiste de Froment.

Pour en revenir au roman, il se démarque donc des neuf titres précédents par son humour. Sorte de croisement français entre House of cards (pour les machinations politiques qu'il met en scène) et Le cœur a ses raisons (pour les personnages caricaturaux auxquels il donne vie), État de nature m'a permis de terminer cette aventure qu'est le Prix du Meilleur Roman Points sur une note non pas sucrée, mais assurément acidulée.

Dans une France parallèle où la présidente qui en est à son troisième septennat et que tout le monde surnomme la Vieille semble avoir progressivement disparu de la scène politique, Claude, le Commandeur de l'État, entend bien s'emparer des rênes du pouvoir. Malheureusement, la montée en puissance de la popularité de Barbara Vauvert, préfète du département oublié de l'histoire qu'est la Douvre dont il a signé l'éviction pour faire plaisir à un comparse politicien, pourrait bien lui mettre des bâtons dans les roues. D'autant plus que dans la Douvre, Arthur Cann prépare une petite révolution visant à renverser la République au profit d'une nouvelle vision du monde remettant la nature au centre des préoccupations.

On suit donc tout ce petit monde dans une guerre sans merci pour le pouvoir où tous les coups sont permis. Claude, aidé de sa Gens Claudia, ses conseillers parmi lesquels se trouve l'hilarant Jean-Pierre Barte et sa coiffure d'épagneul qui ne craint aucune contradiction pourvu qu'il puisse récupérer quelques miettes du pouvoir au passage, n'aura qu'une idée en tête : neutraliser Barbara. Et tout ça est raconté finement, dans un déferlement d'humour corrosif.

Je n'y connais pas grand chose en politique, je vis dans un pays où elle est particulièrement compliquée à suivre, et pourtant je ne me suis jamais senti perdu dans le roman de Jean-Baptiste de Froment. Sans doute parce qu'il ne part jamais dans de longues explications au profit d'un rythme soutenu et d'une forme originale : on pense d'abord être en présence d'un simple roman avant de soupçonner d'être face à une chronique historique avant de se rendre compte qu'il s'agit en fait d'un texte épique qui, comme la Chanson de Roland ou la Légende d'Ulenspiegel, fige dans le marbre une figure héroïque qui pourrait être le reflet de toute une civilisation.

C'est un roman qui fait plaisir, qui fait rire et réfléchir. Une jolie découverte pour clore une jolie expérience.


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