Avis #70 : Le dernier des étés - Alfonso Casas

« De tous les chemins que je n'ai pas parcourus le tien est celui auquel je songe le plus. »

Acheté l'année dernière lors de mon passage à la Foire du livre de Bruxelles, j'ai rapidement dévoré Le dernier des étés d'Alfonso Casas, paru aux éditions Paquet et qui fait partie aujourd'hui de mes romans graphiques préférés.

Dani est sur le point de se marier. Moins d'une semaine avant de signer les papiers officialisant cette décision, il retourne dans le village où il a passé tous les étés de son enfance pour un projet d'exposition. Son but est de photographier les endroits qu'il a immortalisés vingt ans plus tôt afin de faire cohabiter le passé et le présent. Mais tout ceci est peut-être un prétexte pour remonter le fil d'une amitié qui s'est interrompue brusquement.

La bande dessinée est un régal pour les yeux dans lequel la chaleur et les couleurs vives des étés passés contrastent avec le noir et blanc du temps présent. Dani est sur le point de prendre l'une des décisions les plus importantes de sa vie en épousant Alex, mais les doutes semblent l'assaillir alors qu'il par sur les traces de « Poil de carotte », un enfant du village aux côtés de qui il a vécu les moments les plus intenses de sa jeunesse.

La nostalgie est au cœur de cet album qui rend poreuses les frontières entre les souvenirs et le présent jusque dans la forme même du livre. À plusieurs reprises, un papier calque assure la transition entre les instants passés et présents, laissant entrevoir comme le temps peut parfois changer notre perception des choses.

Quand je l'ai lu la première fois, je n'ai pas douté un seul instant de l'homosexualité du personnage. Elle me paraissait évidente et il était clair que les sentiments qui liaient les deux jeunes garçons pendant ces mois d'août sous le climat chaud de l'Espagne dépassaient la simple amitié. En le relisant aujourd'hui, je me rends compte que tout ça est suggéré sans être affirmé. Rien ne nous permet de déterminer avec certitude le genre d'Alex et si une scène particulière permet de comprendre qu'il y a en effet eu un début d'histoire d'amour entre Dani et Poil de carotte, l'homosexualité y est tout de même traitée de manière implicite.

En me promenant sur Instagram pour voir comment la BD a été perçue, j'ai pu constater que certain·es semblent ne pas du tout voir l'histoire des deux jeunes garçons comme autre chose qu'une histoire d'amitié. D'autres regrettent cette ambiguïté, souhaitant sans doute une histoire entre garçons plus affirmées. À mes yeux, c'est cette subtilité qui donne au roman graphique tout son charme. Les sentiments qu'entretient Dani par rapport à cette vieille histoire semblent difficiles à démêler, y compris pour lui-même et le fait que l'auteur ne nous donne pas toutes les réponses participe à rendre ce récit proche de ce que chacun·e d'entre nous peut ressentir face à ses souvenirs.

C'est une histoire qui interroge nos trajectoires avec justesse et subtilité. Que serions-nous si nous avions emprunté un autre chemin que celui par lequel on est passé pour en arriver là où on se trouve ? Si le livre ne nous permet pas de répondre à cette question, il la pose d'une bien jolie manière.

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