Avis #71 : La langue de ma mère - Tom Lanoye

« Et ceci est la relation d'une attaque cérébrale, destructrice comme une foudre intérieure, et de la pénible déchéance que subit ensuite pendant deux ans une mère poule de cinq enfants et actrice amateur de premier ordre. »

Ça fait une éternité que je ne vous ai pas parlé littérature belge, non ? Hormis un petit tour en terre liégeoise avec la BD sur le Standard de Liège, le dernier livre belge que j'ai lu était mon premier coup de poing de l'année : Un enfant de Patricia Vergauwen et Francis Van de Woestyne. Il est donc grand temps de vous inviter à nouveau dans mon plat pays avec un texte d'un auteur que je voulais découvrir depuis longtemps : La Langue de ma mère de Tom Lanoye, publié aux éditions La Différence.

Tom Lanoye, c'est un grand nom de la littérature belge néerlandophone. J'aurais pu ne pas émettre de distinction et m'arrêter après le mot « belge », mon affirmation n'en aurait pas été moins vraie. Cependant, après la lecture de ce roman très touchant que la tournante 2019-2020 a mis sur mon chemin, elle me semble nécessaire tant l'auteur est attaché à sa langue maternelle et à sa Flandre.

La Langue de ma mère, ce n'est pas un simple roman, ce n'est pas un simple portrait, c'est un vibrant hommage. À sa mère, à son père à Saint-Nicolas, le bourg de son enfance. Ce livre, il a tenté de l'écrire pendant une longue période avant d'y parvenir. Josée Verbeke, après a souvent fait savoir à son fils qu'elle voulait qu'il écrive sur elle après qu'il a eu publié son premier recueil dans lequel figurait un portrait de son père. Quand elle est décédée, Tom Lanoye a voulu exaucer son souhait sans y parvenir, écrasé par la pression du devoir à accomplir et par l'attente nerveuse de son père de voir revivre sa femme à travers les mots de son fils. Ce n'est qu'après la mort du père que l'entreprise put commencer. Et ce ne fut pas chose aisée : jusqu'au bout, jusque dans le texte, l'écrivain noie le poisson, multiplie les détours et les atermoiements avant de commencer à vraiment parler de sa mère.

Ensuite, c'est par la fin qu'il commence en relatant le funeste soir où la mère a fait sa première attaque, quand elle a perdu et sa langue et sa raison. Puis les longs mois rythmés par les espoirs et les déceptions à l'accompagner dans sa perte. Et les souvenirs du personnage haut en couleur qu'elle était. Une femme de caractère qui trouvait le bonheur dans le maniement de la langue, théâtrale sur scène et dans la vie, aussi aimante qu'intransigeante.

Et à travers elle, c'est le portrait d'une Flandre simple qu'il dresse. C'est un quartier qui prend vie sous nos yeux de lecteurs grâce à la précision et à la vitalité de ses mots habilement traduits par Alain van Crugten, une galerie de personnages pas toujours très nets qu'il dépeint sans concession, mais toujours avec tendresse.

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