Avis #82 : Fun home - Alison Bechdel

Contrairement à ce que pourrait laisser croire le titre, Fun home n'est pas le récit joyeux d'un foyer heureux et chaleureux. Le sous-titre - une tragicomédie familiale - permet déjà de nuancer les attentes du lectorat. Bechdel aborde dans ce roman (autobio)graphique son rapport à la mort de son père, percuté par un camion dans ce qui pourrait tout aussi bien être un suicide qu'un accident.

Fun home, c'est le récit des apparences, qui se révèlent souvent trompeuses, et des paradoxes, qui se révèlent souvent nombreux. Le titre en est d'ailleurs la parfaite illustration puisque le « fun home » dont il est question est en fait le surnom donné au funérarium (funeral home) familial. Ayant une image de mari et de père idéal dans la sphère publique, Bruce Bechdel était en fait distant et colérique, intéressé uniquement par la rénovation d'une maison néo-gothique et « trait[ant] ses meubles comme des enfants et ses enfants comme des meubles ». C'est ce qui se cache sous le vernis des apparences que Bechdel expose ici, dans une bande dessinée hyper référencée. L'autrice-illustratrice ne peut appréhender ses parents qu'à travers le prisme de la fiction et de la mythologie. Elle compare d'ailleurs sa relation à son père à celle de Dédale et Icare, Alison et Bruce endossant tour à tour les deux rôles.

Cette comparaison s'inscrit d'ailleurs dans la structure même de l'œuvre, véritable labyrinthe dans lequel les événements se répètent, s'interrompent pour emprunter un autre chemin de la mémoire, mais ramènent toujours au Minotaure : la mort du père.

Le suicide de Bruce (Alison est persuadée qu'il s'agit d'un suicide, l'enchaînement des événements laissant peu de place au doute) est survenu quelques temps seulement après que la jeune femme, alors âgée de vingt ans, a eu annoncé son homosexualité à ses parents. Bechdel ne parvient pas à se défaire de l'idée que cette annonce pourrait être une des causes du suicide de son père, puisqu'elle l'a notamment amenée à découvrir le goût de celui-ci pour les jeunes garçons.

C'est un très beau roman graphique que ce Fun home, une œuvre qui mêle histoire familiale et perspective queer avec une grande subtilité.

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