Avis #93 : La dernière fois que j'ai cru mourir c'était il y a longtemps - Clémence Michallon

« J'attends. Est-ce bien comme ça qu'on meurt ? Je n'en sais rien. C'est la principale difficulté dans ce domaine. On débute toujours. J'attends sur les dalles froides qui commencent à me rentrer dans le dos. Peut-être que ce n'est pas la bonne méthode pour quitter ce monde. La dernière fois que j'ai cru mourir c'était il y a longtemps (...) et déjà à l'époque je n'ai pas su faire. »

Ce vendredi 25 septembre sortira en librairie le premier roman de Clémence Michallon : La dernière fois que j'ai cru mourir c'était il y a longtemps. Celles et ceux qui suivent mes stories sur Instagram le savent, j'ai eu un véritable coup de cœur pour ce livre publié par les (très chouettes)  éditions iXe que je remercie chaleureusement de m'avoir donné l'occasion de le découvrir en avant-première.

Quand la chargée de communication de la maison m'a contacté pour me proposer la lecture de ce titre, elle m'a dit qu'il pourrait me plaire. Était-ce parce que Véronica, l'héroïne du roman, consacre une bonne partie de son temps à ses publications Instagram ? A-t-elle compris que l'une de mes activités préférées est de manger des gâteaux ? Peut-être a-t-elle vu mes nombreuses références à l'émission RuPaul's Drag Race ? Se dégage-t-il de mes lectures des indices sur mes centres d'intérêt et mes convictions qui lui ont permis de rapprocher cette œuvre de ma personnalité de lecteur ? Peu importent les raisons, le principal est qu'elle ne s'y est pas trompée. Ce roman, je l'avais repéré sur le compte des éditions iXe. Ce roman était destiné à entrer dans ma vie de lecteur.

Véronica est entièrement dévouée au culturisme. Sa vie est réglée comme du papier à musique entre les entraînements (musculation le matin, cardio le soir) avec son coach Caleb, les repas dont les apports nutritionnels sont calculés rigoureusement, les publications sur Instagram pour satisfaire à la fois ses abonné·es et ses sponsors, la rédaction des programmes d'entraînement qu'elle vend sur son site Internet... l'imprévu n'a pas de place dans son emploi du temps qui s'affiche en rectangles colorés dans son agenda en ligne. Alors que Véronica prépare une compétition, sans doute la plus importante de sa carrière puisque c'est celle qui lui permettrait de « passer élite » et donc de continuer à travailler avec Caleb qui réorganise sa vie professionnelle en prévision de la naissance de son premier enfant, la mécanique si bien huilée de son quotidien se voit grippée par un coup de téléphone. Camélia, la sœur de Véronica, enceinte de jumeaux qu'elle a ardemment espéré avec sa compagne, ne peut plus quitter le lit pour préserver sa santé et celle des bébés. Elle a besoin que quelqu'un aille travailler à sa place dans sa pâtisserie et elle veut que ce soit Véronica. Un appel à l'aide qui fait écho à celui que Véronica elle-même lui a lancé cinq ans plus tôt.

On pourrait penser, avec ce résumé, être en présence d'une comédie. Celle qui bannit les ingrédients non nécessaires de son alimentation contrainte de travailler dans un royaume sucré. Mais ce n'est pas le cas. Pourtant, on rit quand même en lisant le premier roman de Clémence Michallon, parce que l'autrice place çà et là des pointes d'humour parfaitement dosées.

On pourrait aussi penser que c'est un drame. Parce que le titre, à mes yeux l'un des plus beaux de ceux qui constituent cette rentrée littéraire de 2020, le laisse penser. Mais ce n'est pas le cas non plus. Certes tout n'est pas rose dans ces quelques mois au cours desquels Véronica doit lutter pour ne pas mettre sa vie entre parenthèses. Il y a de la douleur dans ces pages. Physique, avec ce corps qui est mis à rude épreuve. Mentale, avec un passé pas toujours facile à porter. Mais force est de constater que tout n'est pas noir non plus.

Mais alors, si ce n'est ni une comédie, ni un drame, qu'est-ce donc ? Je serais tenté de répondre : la vie. Avec ses hauts, ses bas. Avec la détresse, la ténacité, la peur, l'espoir, l'amour et la solitude. Avec les succès et les échecs. Avec les moments de rien et les bouleversements. Et cette vie, elle circule à travers l'écriture de Clémence Michallon. Précise, fluide. Simple, mais pas pauvre. Belle, mais pas pompeuse.

C'est aussi le « roman des corps », pour paraphraser le communiqué de presse. Du corps. De ce qu'on voudrait qu'il soit, de ce qu'on nous dit qu'il doit être. De ce qu'on veut lui imposer et de ce qu'il nous impose en retour. De la difficulté de l'accepter et de l'habiter. Ce rapport au corps, véritable fil rouge du roman, m'a fait vibrer. M'a tapé dans le cœur et dans le ventre. Mais je vous en reparlerai, quand le livre sera sorti. Parce que j'ai encore envie de vous parler de La dernière fois que j'ai cru mourir c'était il y a longtemps. Parce que je dois aussi vous parler de Nico, étudiant en cosmétologie et pâtissier le jour, drag-queen la nuit. Nico qui ne trouve pas sa place dans les mots que j'aligne dans cette chronique, mais Nico qui m'a touché dans son immense bonté, Nico dont je suis un peu tombé amoureux au fil des pages.

Je ne sais pas comment lui rendre justice, à ce roman. Quels mots trouver pour vous convaincre  de ses nombreuses qualités. J'aimerais sincèrement que vous le lisiez. Tou·tes. Peut-être que vous ne l'aimerez pas autant que moi, peut-être même qu'il ne vous plaira pas du tout. Peut-être aussi que vous comprendrez pourquoi j'ai tant envie de le défendre.

Vendredi 25 septembre 2020. Rappelez-vous cette date car c'est celle de la sortie du premier roman de Clémence Michallon, et il mérite d'être bien accueilli.

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