Avis #104 : Du gouffre et des étoiles - Marianne Bastogne

J'ai décidé de profiter de la campagne #lisezvouslebelge pour partir à la rencontre d'auteur·rices et de maisons d'édition que je ne connaissais pas, avide de découvertes. J'avais aussi envie de sortir de ma zone de confort en me frottant à un genre que je connais peu, mais vers lequel je me sens de plus en plus attiré : la poésie.

C'est d'abord le nom de la maison d'édition qui m'a intrigué quand je l'ai vu dans le catalogue des services presses disponibles pour la campagne. C'est ensuite la mention « narration poétique » accolée aux deux titres proposés qui m'a convaincu d'en choisir un, et mon choix s'est porté sur Du gouffre et des étoiles, roman-récit-testament spirituel de Marianne Bastogne, fondatrice de la maison d'édition. 

« Un livre bleu apprivoise la nuit pour mieux faire naître le jour. » La devise de L'âme de la colline correspond totalement à Du gouffre et des étoiles. Jeanne est une enfant comme les autres.  Mais très vite, elle est confrontée à une violence telle qu'elle ne sera plus tout à fait la même.

« Jeanne grandit de manière tordue, comme un chêne solitaire et déjà vieux. Elle cherche le sourire sur un des visages qu'elle porte à l'intérieur d'elle-même et qui demande à naître au dehors. Elle veut disparaître — toujours disparaître — et ne réapparaître que lorsque le monde sera enfin prêt à aimer. »

Puis vient l'adolescence et ses excès. Sexe, drogue, alcool : Jeanne n'en finit plus de se perdre et, à peine adulte, s'enferme dans une relation abusive qui achève de la détruire. Puis, plus tard, vient le moment où Jeanne, en écoutant son intuition et en s'ouvrant au monde, remonte le cours de son histoire personnelle pour cheminer vers la résilience. Au gré des rencontres et des déplacements, ses souvenirs vont remonter à elle pour qu'elle puisse enfin les accepter et s'en affranchir. Il aura fallu à Jeanne apprivoiser les moments sombres de son existence pour mieux se reconstruire.

L'un des buts de L'âme de la colline est de proposer des œuvres qui amènent leurs lecteur·rices à une introspection. Et c'est précisément l'effet que le texte de Marianne Bastogne a eu sur moi. À certains moments du récit, je suis entré en résonance avec Jeanne. En lisant son histoire, j'ai fait la somme de ce qui nous rapprochait et nous séparait. Je l'ai comprise dans son désir de disparaître ; j'ai mesuré les effets que mon passé a pu provoquer sur ma propre trajectoire ; j'ai constaté, sans jugement, les sujets sur lesquels Jeanne et moi ne pouvions nous rencontrer... Cet effet miroir proposé par le texte est venu, je pense, de sa construction. Dès le début, la linéarité est brisée : si l'action suit une progression chronologique, elle s'offre d'abord par des fragments d'existence. Il y a un ton anecdotique dans le récit — lequel est entrecoupé de poésie en vers et, plus rarement, de passages où la narration change ses pronoms et opte pour un vouvoiement qui s'adresse à Jeanne tout en s'imposant aux lecteur·rices — qui fait écho à nos propres vécus.

Si je dois reconnaître m'être un peu désintéressé de la troisième partie du livre, en raison d'un aspect spirituel qui a tendance à me laisser de marbre, Du gouffre et des étoiles n'a pas manqué de me faire forte impression. Par sa qualité d'écriture et sa puissance évocatrice, ce récit de résilience ne laissera personne indifférent·e et m'a convaincu, pour ma part, de m'intéresser au reste du catalogue de L'âme de la colline.

Je remercie donc chaleureusement Marianne Bastogne, à la fois pour son texte et pour son envoi dans le cadre de la campagne #lisezvouslebelge. 

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