Avis #5 : Pornographia - Jean-Baptiste Del Amo
En achetant ce roman dans une foire aux livres d’occasion,
je ne savais pas du tout à quoi m’attendre. Le titre a attiré mon regard, la
citation reproduite en quatrième de couverture m’a intrigué, mais je n’ai pas
cherché à en savoir plus, ni sur l’auteur, ni sur le contenu avant de l’acheter.
D’abord parce que les évocations de la sexualité en littérature m’intéressent
particulièrement, ensuite à cause de cette petite tradition que je me suis
créée et qui consiste à acheter à chaque édition de ladite foire aux livres d’occasion,
qui a lieu dans un lieu de culte, une œuvre dont le titre et/ou le contenu
évoque la sexualité. Petite subversion d’un jeune bobo à la vie bien rangée.
Je ne savais donc rien des précédents textes de Jean-Baptiste
Del Amo, auteur toulousain ayant reçu le Goncourt du Premier roman en 2009 pour
Une éducation libertine, et je ne me
doutais donc en rien qu’il serait question dans son Pornographia de sexe entre hommes. Première bonne surprise pour moi
qui suis constamment en recherche de lectures abordant d’une manière ou d’une
autre une thématique LGBT+.
Deuxième bonne surprise : le style. Une écriture très
travaillée nous donne accès aux états d’âme et de corps du narrateur au cours
de son errance nocturne dans les rues de ce qu’on devine être La Havane,
errance qui, au fur et à mesure de l’avancée du récit, s’avère être plutôt une
perdition qu’une promenade méditative. Difficile d’en dire plus sur l’histoire
tant celle-ci est secondaire. Très rapidement, après la rencontre du narrateur
avec un jeune prostitué, le narrateur offre au lecteur une succession de scènes
de sexe dont la chronologie, pour peu qu’il y en ait une, ne peut être définie et
dont le seul objectif semble être d’exposer au lecteur un portrait de la prostitution
cubaine. Le récit paraît plus important que son contenu, ce qui peut sans doute
s’expliquer par le titre du roman. L’auteur fait ici honneur à la fois à l’acception
actuelle de la pornographie (« Présence de détails obscènes dans certaines
œuvres littéraires ou artistiques ; publication, spectacle, photo, etc.,
obscènes. » selon le Larousse) et à l’étymologie même du mot puisque la
racine « porno » vient du grec ancien pornê signifiant « prostituée » et de graphê signifiant « écrire » (comme nous l'explique l'Encyclopédie Universalis).
Si le sujet peut rebuter certaines personnes, a fortiori étant donné qu’il y est
également et surtout question de tourisme sexuel et que beaucoup des prostitué.e.s
décrit.e.s sont mineur.e.s, c’est l’écriture soignée, parfois presque surannée,
de Jean-Baptiste Del Amo qui permet à la pilule de passer. J’ai personnellement
adoré ce style exigeant, qui m’a rappelé, la proximité des thématiques abordées
aidant sans doute à cela, la façon d’écrire d’un de mes auteurs préférés :
Mathieu Riboulet.
J’ai particulièrement apprécié la façon dont l’auteur
parvient à sublimer la laideur, conférant à la moiteur et à l’insalubrité de l’atmosphère
du Cuba qu’il décrit une aura esthétique très forte. Une esthétique de la
laideur particulièrement prenante dans les descriptions faites à plusieurs
reprises du cadavre d’un jeune prostitué adolescent assassiné, références
évidentes aux poèmes Une charogne de
Baudelaire et Le dormeur du val de
Rimbaud.
J’ai refermé ce livre traitant des obsessions de la
sexualité et de la mort complètement retourné, avec le désir d’en lire davantage
de cet auteur dont le dernier ouvrage en date, Le règne animal, fait actuellement beaucoup parler de lui.
"Une esthétique de la laideur" je crois que ces mots résument parfaitement la plume et l'oeuvre de cet auteur. belle chronique !
RépondreSupprimerMerci beaucoup :) Pour être honnête, l'expression "esthétique de la laideur" m'est venue car c'est la façon qu'avait une de mes profs de français de parler d'Une charogne de Baudelaire :)
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