Avis #4 : Ariane - Myriam Leroy



Contrairement à ce qu’on pourrait penser, la RTBF ne m’a pas proposé de partenariat. Sans doute parce que je n’ai pas un lectorat assez étendu pour qu’ils soient même au courant de mon existence, et certainement parce que leurs collaborateurs n’ont pas besoin de ça pour qu’on parle d’eux. En effet, comme vous le savez sans doute, Ariane de Myriam Leroy figurait dans la liste finale des titres éligibles au prestigieux Goncourt du premier roman.
Je ne suis donc pas obligé de parler uniquement d’auteurs travaillant ou ayant travaillé pour le service public. Mais alors, pourquoi donc, après avoir parlé du deuxième roman de Jérôme Colin, ai-je décidé de consacrer un article au premier roman de la journaliste, chroniqueuse, présentatrice, dramaturge et désormais romancière Myriam Leroy ? Par amour de la littérature belge, d’abord. Et parce que ce livre est quand même vachement bien foutu, ensuite !
Ariane n’a donc pas reçu le Prix Goncourt du premier roman, qui a été décerné à Mahir Guven pour son Grand frère (que je meurs d’envie de lire depuis sa sortie), et pourtant, ça aurait été largement mérité.
Ariane est le récit d’une amitié très forte qui lie la narratrice, adolescente de treize ans issue d’une famille modeste de Nivelles, à Ariane, jeune fille d’origine indienne adoptée par une famille aisée du Brabant wallon. Une amitié forte, parfois proche d’un amour inconditionnel, mais surtout une amitié toxique qui a fortement impacté la vie des deux protagonistes. Elles s’accompagnent mutuellement dans l’adolescence, moment où l’on découvre le pouvoir qu’on peut avoir sur les autres, l’art de la séduction et, parfois, la cruauté.
Sur un ton cru, parfois extrême et jamais ennuyeux, Myriam Leroy évoque la violence que peuvent revêtir le moment où l’on quitte l’enfance et la société dans laquelle cela arrive. On y retrouve une satire sociale sur le clivage entre deux classes sociales : la narratrice, malgré tous ses efforts pour se hisser au même rang que son amie, est et restera toujours une « plouque ». Il y est également question, en filigranes, des difficultés rencontrées par la gente féminine telles que leur objectivation, l’hypersexualisation des adolescentes, l’influence pas toujours heureuse des magazines destinés au jeune public féminin.
Dès la première page, on sait qu’Ariane est morte à vingt ans, « juste avant l’émergence des réseaux sociaux ». Le lecteur n’aura donc accès qu’à une version de l’histoire, celle de la narratrice qui rédige le texte longtemps après leur rencontre au début des années 1990. Difficile de savoir comment se sont réellement déroulées les choses puisque la narratrice avoue avoir, consciemment ou non, trafiqué la réalité. En plus d’être un roman sur l’adolescence, Ariane est donc aussi un roman sur les rapports entre mémoire et vérité, sur les mensonges qu’on se fait à soi-même pour mieux accepter la réalité, sur la différence entre la véracité des faits et la vraisemblance de ce que l’on raconte.
Enfin, c’est également un livre rempli d’humour, dans lequel on retrouve toute la verve dont Myriam Leroy faisait preuve dans ses chroniques pour la radio.

Je pense cependant qu’Ariane ne plaira pas à tout le monde et que ce texte devrait susciter des réactions contrastées. Moi, en tout cas, j’adore !

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