Avis #18 : Mon père, le Maroc et moi - Driss Ghali


Comme je l’ai indiqué dans mon article de présentation, j’ai décidé de nommer le blog 8tiret3 en référence à la cote de rangement utilisée par la plupart des bibliothèques publiques de la Belgique francophone pour classer les romans (et plus largement les fictions en prose), genre qui remporte ma préférence et que je lis presque exclusivement. Le livre dont je m’apprête à parler aujourd’hui fait office d’exception.

Mon père, le Maroc et moi de Driss Ghali, paru aux éditions de l’Artilleur/Toucan, se définit par son sous-titre comme une « chronique sociale ». L’auteur y raconte les quarante jours qui ont suivi le décès de son père. Cela commence par un retour : son retour au Maroc, pays qu’il a quitté pour s’installer au Brésil après un détour par Paris, pays dont il venait tout juste de revenir après y avoir passé quelques temps pour visiter sa famille. Driss Ghali doit donc faire le deuil de son père alors qu’il l’avait quitté quelques jours plus tôt en pleine forme, à mille lieues d’imaginer qu’il lui faisait en fait ses adieux. L’auteur revient au Maroc accompagné de sa douleur et installé dans un inconfortable paradoxe : il redécouvre un pays qui n’est plus totalement le sien mais qui n’a pourtant pas pu changer en l’espace du peu de temps qui a séparé son séjour précédent et son retour précipité.

À vrai dire, je ne suis pas totalement certain que Driss Ghali redécouvre réellement le pays sous un mauvais jour. J’ai l’impression, à le lire, qu’il a toujours eu conscience des défauts que présente la société marocaine. Sans doute est-ce d’ailleurs cela qui l’a encouragé à partir. Toujours est-il que, de son arrivée à l’aéroport de Casablanca à l’offrande faite au nom de son père quarante jours après le décès, l’auteur est agacé par un Maroc abandonné de tous. Cet agacement est le point de départ d’une chronique sociale qui oscille entre les genres : récit personnel, mémoires du père, pamphlet, leçon d’histoire… les registres se succèdent et s’interpénètrent avec fluidité.

Je me répète, mon genre de prédilection est le roman. Si je dois me documenter sur un sujet, je préfère le faire par l’intermédiaire d’articles (ou en tout cas de textes courts) ou de documentaires ; il n’est pas étonnant, dès lors, que les passages un peu trop historiques ou politiques du livre de Driss Ghali m’aient parfois légèrement ennuyé. Mais l’aspect intime et personnel du texte m’a quant à lui séduit. En rendant hommage à son père, l’auteur se livre à une réelle introspection qui n’a pas manqué de susciter mon intérêt. Driss Ghali interroge son rapport à sa culture, et à son impossibilité de s’y reconnaître totalement. En témoigne, par exemple, l’arrivée des toulbas, des lecteurs du Coran venus accompagner le deuil des vivants. « On comprend qu’une culture n’est pas la sienne quand ce qui semble normal à autrui vous atteint comme une offense insupportable. Les paroles du chef des toulbas me piquent comme si une substance venimeuse venait à mon contact et me causait une crise d’urticaire. L’inconfort de pleurer devant autrui se double de l’impossibilité de répondre comme il se doit à un entrepreneur de la foi qui n’a aucune légitimité. »

Enfin, ce qui marque dans ce texte, c’est l’amour et l’admiration que Driss Ghali nourrit à l’encontre de son père. Une réelle complicité a lié les deux hommes, complicité dont le texte rend compte dans de nombreux dialogues échangés sur des sujets variés tels que la politique marocaine, la corruption qui y règne, la perte de valeurs qui semble gagner du terrain dans le monde arabe…

Mon père, le Maroc et moi est en fin de compte un hommage sensible que l’auteur rend à son père, un remerciement doux et porteur d’espoir
pour tout ce qu’il a pu lui apporter au cours des moments qu’ils ont vécus ensemble.




Livre reçu en Service Presse. 

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