Avis #19 : La vraie vie - Adeline Dieudonné

On suit dans ce roman l’entrée dans l’adolescence de la
narratrice, qui évolue dans une famille qui n’a rien d’idéal. Un père chasseur,
véritable prédateur dans la crainte de qui vit la mère dont les seuls moments
de joie sont ceux au cours desquels elle prend soin de ses animaux. Un petit
frère avec qui la jeune fille entretient une relation tendre et complice jusqu’à
ce qu’un malheureux et brutal incident vienne noircir un peu plus la vie qu’ils
mènent dans un lotissement qui « gagn[e]
en mocheté à mesure que la météo embelli[t] ». Dès lors, la narratrice
n’a qu’un objectif : trouver le moyen de remonter le temps pour oublier le
« brouillon de vie » qu’elle subit et rendre à son frère le sourire
dans ce qui sera leur « vraie vie ».
Adeline Dieudonné réussit l’exploit d’amener de la lumière
dans une histoire sombre où l’espoir ne semble pas avoir sa place. Tout est dur
dans son texte, pourtant, quelque chose de solaire s’en dégage. Un humour noir
qui sauve la santé mentale du lecteur à mesure que celle des personnages semble
condamnée.
L’écriture efficace de la primo-romancière nous happe dès l’incipit, qui pourrait selon moi devenir
aussi célèbre que le « Longtemps, je
me suis couché de bonne heure » de Proust. Je ne serais pas étonné de
voir dans de futures éditions du célèbre jeu de plateau Trivial Pursuit apparaître une question nous demandant d’identifier
le roman commençant par les phrases : « À la maison, il y avait quatre chambres. La mienne, celle de mon petit
frère, Gilles, celle de mes parents et celle des cadavres. » Rarement
une ouverture de roman ne donne aussi précisément le ton de ce qui va suivre.
J’ai lu La vraie vie
en apnée, ne reprenant mon souffle que quand le choc des mots et des images était
trop violent pour me permettre de continuer à lire sans marquer un temps. Le récit
est composé d’une manière simple et efficace. Laurence Houot, dans son article rédigé pour Culturebox parle de « suspense
Hitchcockien » et on ne pouvait trouver de comparaison plus heureuse.
Comment ne pas penser aux héroïnes du maître du suspense britannique quand la
narratrice, alors qu’elle cherche à remettre en place la défense en ivoire si
chère à son père, est sur le point d’être prise la main dans le sac ? La
tension que ressent le lecteur à cet instant est la même que celle du
spectateur assistant impuissant aux recherches de Grace Kelly dans Fenêtre sur cour. La défense en ivoire
elle-même permet de rapprocher La vraie
vie aux films d’Hitchcock puisqu’elle constitue un parfait exemple de
MacGuffin, ce ressort narratif popularisé par le cinéaste qui sert au
développement de l’intrigue sans pour autant y revêtir de réelle importance.
Je ne suis certes pas le premier à peindre un portrait aussi
dithyrambique de ce roman paru chez L’iconoclaste, mais j’ose espérer ne pas
être le dernier non plus. D’ailleurs, si je n’avais pu ne serait-ce qu’aider à
convaincre une personne de se plonger corps et âme dans la lecture de La vraie vie, j’en serais véritablement
comblé.
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