Avis #38 : Feel good - Thomas Gunzig

J'ai rencontré la plume de Thomas Gunzig il y a presque sept ans, alors que j'étais en deuxième année de mon bachelier de bibliothécaire-documentaliste. Dans le cadre d'un cours centré sur la littérature belge, il nous était demandé, par paire, de choisir un auteur dont on allait devoir présenter l'oeuvre. Et c'est en hésitant entre plusieurs noms (dont Jean-Philippe Toussaint et Jean-Pierre Otte) qu'on a décidé, ma partenaire de travail et moi, de commencer par lire Le plus petit zoo du monde afin de voir si Thomas Gunzig était susceptible de nous intéresser. Et ce fut un coup de foudre. Après avoir lu la quasi-totalité des livres qu'il a écrits et publiés avant ce travail, j'ai compris que j'avais trouvé l'un de mes auteurs préférés. Depuis, je suis un lecteur fidèle : j'attends les nouveautés avec impatience, je vais voir les pièces qu'il a écrites dès que l'occasion m'en est donnée, je like chacune de ses publications sur Facebook... Il était donc tout à fait normal pour moi qu'il ait une place privilégiée dans le défi littéraire que je me suis lancé : le #BelgiqueTerreLittéraire

Cette longue introduction pour vous dire que c'est un lecteur convaincu qui s'est lancé dans la lecture de son nouveau roman, paru à la fin de ce mois d'août : Feel good. Convaincu, mais pas sans appréhensions puisque j'avais été moins emballé par La vie sauvage qui, s'il ne m'a pas déplu, ne m'a pas exalté de la même façon que les précédentes œuvres de l'auteur. Il ne m'a pas fallu plus de quelques pages pour que mes craintes soient entièrement balayées : je compris rapidement que j'étais en présence d'un grand Gunzig, d'un Gunzig 26 ans d'âge vieilli en fut de chêne. Feel good est un grand cru qu'il me tarde de conseiller à de nombreux·ses lecteur·rice·s de ma bibliothèque.

On retrouve dans ce nouveau roman tous les ingrédients qui rendent le style de l'auteur si reconnaissable, à commencer par les thèmes exploités. Pour résumer très brièvement l'intrigue de Feel good (le plaisir de lire Gunzig étant de se laisser surprendre par l'imagination débridée de l'auteur, je n'irai pas dans le détail), je dirais simplement qu'il s'agit de suivre Alice, femme qui a toujours vécu avec des moyens financiers restreints, et Tom, auteur qui n'a jamais rencontré le succès qu'il pensait mériter, dans leur projet de « braquage culturel » qu'est l'écriture d'un roman feel-good. Les personnages de Thomas Gunzig sont, comme souvent dans ses livres, déviants. Ils semblent incapables de prendre des décisions qui se conforment aux attentes de la société. Mais être déviant dans une société malade ne les rend-il pas plus sain que tous ceux qui acceptent le monde tel qu'il est ? Thomas Gunzig écrit des romans qui égratignent notre monde dans lesquels il met en lumière l'absurdité de notre société de consommation où l'argent est tout-puissant. Feel good ne déroge pas à la règle en montrant le quotidien d'Alice qui, après avoir travaillé de longues années dans un magasin de chaussure sans pouvoir éviter d'être « tout juste », se retrouve plus juste du tout après avoir perdu son emploi. Mais heureusement, cette dénonciation du monde se fait toujours avec une touche d'humour qui est salvatrice. En lisant Feel good, on rit jaune, certes, mais on rit !

Dans son nouveau roman, Gunzig s'attaque au monde littéraire avec un texte hyper référencé, dans lequel il n'hésite pas à utiliser la citation de façon presque abusive, mais jamais hors-propos. Tous les maillons de la chaîne littéraire sont passés au crible, les Bookstagramers ne sont pas épargnés, ce qui m'a évidemment beaucoup plu puisque je m'efforce moi-même à faire des photos les plus attrayantes possibles tout en admettant volontiers que ce n'est pas mon fort et que je ne veux pas me centrer là-dessus. L'humour de l'auteur ne manque pas de faire mouche une fois de plus quand Tom explique ce qu'est un feel good book à Alice : « – Aaaaah, il faut parler de résilience et de conneries comme ça ?
– Oui, par exemple, il y a pas mal de psychologie. Mais de la psychologie à trois sous, des notions pas du tout approfondies, des choses très basiques que le lecteur doit saisir en un instant, il y a souvent un côté « développement personnel » et puis faut pas hésiter à avoir la main lourde sur la spiritualité. La spiritualité, ça va donner au lecteur l’impression de faire partie d’un tout plus grand que lui, qu’il a accès à la transcendance, que les anges veillent sur lui ou des trucs de ce genre… ».

Bref, j'ai comme l'impression que je suis incapable de rendre à ce roman l'hommage qu'il mérite. Je suis sûr que vous en avez déjà beaucoup entendu parler, sans doute parfois par des lecteur·rice·s qui l'ont mieux fait que moi, mais je ne peux qu'ajouter ma voix à la leur en vous conseillant de lire ce livre qui, je n'en doute pas, restera l'un des plus marquants de cette rentrée littéraire 2019.

Total de points que cette lecture me rapporte pour le challenge #BelgiqueTerreLittéraire : 4 points. (Auteur belge + livre de Thomas Gunzig).
Sous-total du challenge : 11 points

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