Avis #81 : Louvre - Josselin Guillois

J'ai acheté Louvre de Josselin Guillois, paru aux éditions du Seuil, quasiment à sa sortie, alors qu'il trônait encore fièrement sur les tables réservées aux livres de la rentrée littéraire à la librairie Les Augustins et je ne le lis que maintenant. Ça fait partie de mes habitudes : j'achète des livres très régulièrement pour ne les lire que plusieurs semaines, mois ou années plus tard. Je suis de ceux qui pensent qu'un livre est une rencontre, et je veux être certain d'avoir envie de rencontrer les mots que je m'apprête à lire.

Il m'a donc fallu près d'un an pour le décider à rencontrer Marcelle, Carmen et Jeanne, les trois femmes dont in découvre les journaux, écrits pendant la Deuxième Guerre mondiale. La première est la femme de Jacques Jaujard, directeur des Musées nationaux qui a organisé le déménagement des collections du Louvre à partir de 1939. La deuxième est la filleule de Jacques. La troisième est une comédienne célèbre et une résistante qui deviendra la maîtresse, puis l'épouse de Jacques. Le destin de ces trois personnages tourne autour d'un homme et, à travers lui, du Louvre et de ses collections qu'il fallait sauver à tout prix. Marcelle souhaite ardemment devenir mère, Carmen suit attentivement l'arrivée de la puberté, Jeanne se remet douloureusement d'un avortement.

En ouvrant ce roman inspiré de faits historiques, je m'attendais à m'intéresser davantage aux destins de ses trois femmes qu'à l'itinéraire suivi par les collections du Louvre. Et, finalement, si le livre m'a plu, c'est justement pour les petits bouts de la grande Histoire qu'il dévoile. J'ai apprécié découvrir les détails de l'opération, mais également les anecdotes sur certaines œuvres ; notamment les raisons qui ont fait que l'immense Radeau de La Méduse de Géricault a dû être transporté sans être roulé (et a d'ailleurs failli être réduit en cendres).

Au final, les vies de Marcelle, Carmen et Jeanne ne m'ont pas plus emballé que ça. Certes l'écriture de l'auteur nous donne quelques moments de grâce, mais il m'a été quasiment impossible d'entrée en empathie avec elles tant elles semblaient réduites à leur rôle de reproductrices. Marcelle ne m'a pas semblé avoir de personnalité en dehors de son désir obsessionnel d'enfant ; Jeanne n'a visiblement aucun autre centre d'intérêt que l'observation des premiers poils, des seins qui poussent et que l'attente des premières règles. Jeanne m'a paru être le personnage le plus construit, son difficile avortement clandestin et son engagement auprès du mouvement résistant apportant une nuance qui tendait à manquer dans les deux premières parties, malgré l'obsession que fait naître en elle son coup de foudre pour Jacques.

C'est sans doute à cette façon de représenter les femmes du roman que je dois cet intérêt pour le caractère historique du roman, ne trouvant pas d'émotions derrière les mots de ces trois narratrice qui se succèdent sous la plume de Josselin Guillois, je me suis raccroché à ce que leurs témoignages nous disent de la guerre et de cette opération de sauvetage des œuvres des musées français.

Une découverte en demi-teinte, donc, dont je garderai malgré tout un souvenir plus positif que négatif.

Extrait : « J'ignore si Jacques aime Monsieur Picasso. J'ignore toujours si Jacques préfère Monsieur Vermeer à Monsieur Chardin, les blondes aux brunes, le gin à la vodka, le travail à la main à la fellation, le pamplemousse à l'orange sanguine, sa mère a son père, avoir une fille ou un fils, Pâques à Noël, m'aimer ou travailler, le Prado à la National Gallery, conduire vite ou dormir profondément, que cette opération rate ou que sa mère le méprise, retrouver son enfance ou voir surgir la Vierge Marie, se bloquer les lombaires ou se faire arracher les dents de sagesse, la coppa au saucisson, le comté au morbier, les fesses aux seins, le persil à l'estragon, porter au Louvre sous son costume un peu de ma lingerie ou faire l'acquisition d'un monochrome de Malevitch, mentir au public en accrochant une copie de Vinci ou simuler un orgasme, déjeuner avec le général Franco ou serrer la main d'Adolf Hitler, peindre les murs du Louvre en noir ou me raser la tête, me dire le matin dans les yeux 'Je t' aime Marcelle' ou murmurer les yeux clos 'Marcelle je t'aime', la défaite militaire de la France à un incendie de Notre-Dame-de-Paris, que l'Italie s'allie à l'Allemagne ou que notre enfant soit trisomique, que nous ayons un enfant, quitte à ce que je meure en couches... Le veut-il à ce point ? »

Commentaires

Articles les plus consultés