Avis #83 : Gang de dingues - Philippe Berthon

Il y a peu, le retour des beaux jours m'a donné des envies de légèreté. De temps en temps, j'aime lire des romans sans autre prétention que celle d'offrir aux lecteur·rices un moment de divertissement et de détente. C'est à ce moment-là que je suis tombé sur une annonce de Philippe Berthon, qui cherchait des blogueurs pour chroniquer son premier roman paru l'année dernière chez Rebelle éditions : Gang de dingues. La couverture, le titre et le résumé ne me déplaisaient pas, et la promesse d'un thriller humoristique cadrait complètement avec mes envies du moment : je me suis donc laissé tenter ! 

Quelques jours après le décès de sa mère, Francois Salignac, trentenaire aussi beau que riche, reçoit une mystérieuse lettre de son père mort des années plus tôt, lui promettant un héritage mirobolant s'il participe à une chasse au trésor. Effrayé par l'évidente pauvreté qui le guette maintenant qu'il ne recevra plus sa rente mensuelle de vingt mille euros, Salignac se lance à corps perdu sur les routes de France pour mettre la main au plus vite sur la fortune familiale. 

Sans être le livre de l'année, je ne vous cache pas que ce premier roman de Philippe Berthon faisait plutôt le job. Malgré quelques lieux communs stylistiques et des ressorts comiques un peu faciles, je découvrais avec plaisir les errements de Salignac dans cette course à l'héritage gentiment loufoque. 

MAIS (et les majuscules sont importantes parce qu'il ne s'agit pas d'une petite réserve)  une question m'a obsédé pendant tout le roman : pourquoi a-t-il fallu que Philippe Berthon choisisse un personnage aussi détestable ? Salignac est narcissique, persuadé d'être supérieur à tout le monde grâce à sa richesse (qu'il n'a rien fait pour mériter) et, dès le début, il nous est présenté comme un véritable goujat. Après trois pages seulement, on sait qu'il a profité des visites au funérarium où reposait sa maman pour séduire une femme (qu'il a d'abord vue comme une « cible appétissante », puis comme une « friandise périssable » avant de la considérer comme « persona non grata » parce qu'elle s'éternise chez lui - comprenez « prend une douche »- au petit matin), qu'il lui attribue une note sur ses performances sexuelles, note qu'il consignera probablement dans le carnet qu'il tient depuis ses quatorze ans pour dresser l'inventaire de ses conquêtes et qu'il va jusqu'à fouiller le sac à main de son coup d'un soir pour se rappeler son prénom et lui voler au passage de l'argent et un briquet.

Vous l'aurez compris, le personnage est détestable à tout point de vue (on apprendra beaucoup plus loin qu'il a déjà utilisé du GHB pour violer une femme lui résistant) et l'auteur met le paquet pour nous le faire comprendre. Mais pourquoi ? Ça reste un mystère à mes yeux. Au début, j'ai supposé que c'était pour pouvoir lui faire subir toutes sortes de malheurs qui seraient forcément jouissifs à lire, ou peut-être nous préparait-il une prise de conscience, les différentes étapes de la chasse au trésor faisant office de fantômes des Noël passé, présent et futur pour un François Salignac odieux comme Ebenezer Scrooge ? Au final, je pense que c'est vers la première proposition que l'auteur s'est tourné. Dans sa course à l'héritage, Salignac va se retrouver dans des situations gênantes, rencontrant par exemple un vieil homme qui ne parle qu'en citant des chansons et une espèce de folle aux chats particulièrement atteinte. On sent que ces rencontres sont supposées être un supplice pour notre anti-héro, mais quelque chose ne marche pas : Salignac, face à ce « gang de dingues », semble être le personnage le plus sain. Et au final, ce sont justement les personnages qu'ils rencontrent qui s'en prennent plein la figure, couverts de ridicule. Et bien qu'on comprenne que Salignac est un peu le dindon de la farce dans cette histoire, il n'a pas été assez malmené pour qu'on puisse obtenir réparation vis à vis de son comportement. 

Voyant que la punition ou la rédemption du personnage tardait à venir, j'ai alors commencé à me lasser de son histoire, ne pouvant plus passer au-dessus des traits d'humour parfois limites et éculés (peut-on s'il vous plaît arrêter de se moquer des personnages gros uniquement parce qu'ils sont gros ?). Et mon malaise a atteint son paroxysme à l'approche du dénouement quand - et attention je m'apprête à vous divulguer un élément qui n'est pas en tant que tel très important pour l'intrigue mais qui constitue malgré tout un enjeu pour le personnage dans une bonne partie du roman (je vous conseille donc de passer au prochain commentaire si vous souhaitez le lire) - notre trentenaire approchant de la quarantaine couche avec une jeune « nymphomane » supposée avoir seize ans. Qu'il couche avec, ça aurait été limite mais ça n'aurait pas été étonnant au vu des nombreuses qualités du personnage, mais était-il nécessaire de décrire ce quickie et d'en faire l'unique scène de sexe du roman ? Honnêtement, je ne pense pas. Et le fait que la jeune fille l'ait laissé dans sa frustration en ne lui accordant pas le privilège de jouir ne rattrape pas ladite scène. Pas plus que le fait qu'elle ait menti sur son âge et soit finalement majeur (ce qu'on apprend par la suite). À partir de là, j'ai abandonné tout espoir quant au sort réservé à Salignac et ait abordé le dénouement avec un grand désintérêt. 

Dommage. C'est le mot qui me vient en tête après la lecture de ce roman qui, malgré quelques facilités et lourdeurs, m'a d'abord semblé être un divertissement relativement efficace avant de sombrer dans le mauvais goût, me laissant éteindre ma liseuse sur une note d' amertume. Dommage, parce que la plume de Philippe Berthon, si elle n'est pas particulièrement originale, n'a rien de désagréable et que l'auteur ne semble pas manquer d'idées. L'éditeur a laissé entendre dans une publication récente que l'auteur pourrait revenir avec un thriller plus sérieux : peut-être l'abandon de l'impératif de faire rire empêchera ces désagréments ?

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