Avis #25 : Un homme AZERTY en vaut deux - Farid-Scott Lahlou

Recevoir un livre de la part de son auteur est une expérience un peu spéciale : d'un côté, on se sent reconnaissant de la confiance qui nous est octroyée et de l'autre, on ne peut s'empêcher d'appréhender quelque peu la lecture de l'ouvrage. L'écrivain qui nous offre le fruit de son travail le fait dans le but de gagner en visibilité et de toucher un nouveau lectorat potentiel, la peur de passer à côté du texte, de ne pas l'apprécier et de, peut-être, passer pour un ingrat en ne répondant pas aux attentes de l'auteur peut vite se manifester. Ma première expérience avec le témoignage de Driss Ghali s'étant plutôt révélée positive, j'ai accepté la proposition faite par Farid-Scott Lahlou de découvrir la première saison de sa série littéraire Un homme AZERTY en vaut deux avec confiance et plaisir. 

L'auteur propose un recueil composé de dix épisodes qui explorent les potentielles dérives d'une société dominée par les nouvelles technologies. Dix nouvelles nous laissent découvrir dix tournures tragiques, malsaines ou cyniques que vont prendre les existences des différent·e·s protagonistes qu'on y rencontre. Comme dans de nombreuses séries télévisées, certain épisodes se sont montrés, à mon sens, plus convaincants que d'autres mais le résultat d'ensemble est assez réussi pour me donner envie de lire une seconde saison. 

Chacune des nouvelles qui se succèdent dans cette première saison est relativement courte. En cette fin d'année scolaire rythmée par les défenses de travaux de fin d'études des étudiant·e·s du brevet de bibliothécaires, je dois avouer que ce format m'a séduit. Je pouvais sans trop culpabiliser alterner séances de correction et brefs moments de lecture-plaisir (en terminant quand même par binge-reader les épisodes 5 à 10, comme on pourrait le faire avec une série Netflix). Dans certaines des nouvelles comme l'épisode 1 Daddy Data, dans lequel on assiste à une présentation de projet désastreuse, ou encore l'épisode 6 Abracadabra, sulfureuse conférence donnée par un concepteur de véhicules autonomes, cette brièveté fonctionne à merveille puisqu'elle s'accorde avec le temps diégétique. Dans d'autres, ce format court devient plus problématique. C'est le cas du cinquième épisode, Black Xmas, histoire du sauvetage de trois personnes coincées suite à l'effondrement d'un nuraghe qui aurait sans doute mérité un peu plus de développement. La rapidité avec laquelle s'enchaînent les faits, légitimée par la présentation du récit proche de celle d'un flux d'infos en continu confère aux personnages un caractère artificiel, voire archétypal, qui enlève de la profondeur au texte. 

Le livre de Farid-Scott Lahlou permet d'amorcer une réflexion sur la place que peuvent prendre dans nos vies les technologies et les grosses entreprises qui les utilisent. C'est parfois effectué de manière très drôle, voire jubilatoire comme dans Dis Kiki, où l'assistant vocal Kiki va faire perdre pied à une mère de famille. Le tout mériterait cependant d'être poussé plus loin, soit en développant plus les histoires, quitte à allonger le format des épisodes, soit rendant le texte plus esthétique. La plume de l'auteur est loin d'être désagréable à lire, on ne peut vraiment pas dire que ces nouvelles soient mal écrites, mais le tout a pour moi quelque peu manqué de style. Pour rester dans l'analogie avec les séries télévisées suggérée par l'auteur lui-même, je me dois de préciser qu'un des critères pour qu'une série me plaise est qu'elle soit visuellement intéressante. Elle ne doit pas forcément révolutionner le cinéma, mais j'ai besoin de sentir que les réalisateurs ont voulu plaire à l’œil de leurs spectateur·rice·s. Aussi, j'attends d'une série littéraire qu'elle vienne titiller mes sens langagiers, aiguiser mon goût de la langue française, bref, j'attends qu'elle soit stylistiquement impactante. Cet aspect-là m'a un peu manqué dans cette première saison d'Un homme AZERTY.

Pour conclure ce court article sur ces courts textes, je tiens à remercier Farid-Scott Lahlou de m'avoir permis de découvrir son projet, fort intéressant à mes yeux, dont je ne manquerai pas de suivre la suite. Cela m'a donné à lire une oeuvre originale et bien pensée. J'ose espérer que, malgré toutes les difficultés que suppose l'auto-édition, ce recueil saura continuer son chemin dans le paysage littéraire francophone et toucher un lectorat chaque jour un peu plus conséquent.



Livre reçu en Service Presse. 

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